Le développement de l’usage des algues dans l’agro-alimentaire a naturellement conduit à s’intéresser à leurs caractéristiques organoleptiques : aspect, odeur, goût, texture.
Mais l’actualité récente regorge aussi d’informations beaucoup plus surprenantes sur les algues, leurs usages et leurs bienfaits. En voici quelques-unes.
L’ouïe :
La perte d’audition liée à l’âge est un problème majeur en pleine augmentation qui provoque handicap, isolement social et coût socio-économique. Or certaines données suggèrent des interactions entre la perte d’audition liée à l’âge et des facteurs nutritionnels. Les composés antioxydants et antiinflammatoires alimentaires pourraient notamment être impliqués.
Dans une étude récente [i], les auteurs ont épluché une enquête nationale alimentaire coréenne effectuée de 2010 à 2012 incluant plus de 5000 personnes âgées de plus de 50 ans. Des corrélations positives ont été mises en évidence entre une prise alimentaire plus élevée de graines et noix, de fruits mais aussi d’algues (50 g/jour pour la population considérée) et une meilleure audition. Une raison de plus pour consommer des algues et diversifier son apport de fruits et légumes.
L’odorat :
Les algues ne sont certainement pas les végétaux les plus odorants sur terre, mais elles décèlent quand même quelques surprises.
On sait par exemple aujourd’hui que les dictyoptérènes [ii], des phéromones impliquées dans la reproduction des algues, sont des composés très odorants. Ils jouent un rôle majeur dans l’odeur de l’air marin, cet « air iodé » si cher aux Français et qui ne doit pas grand-chose à l’iode.
Mais les algues peuvent aussi avoir d’autres fonctions. Dans une étude récente de la Queen Mary University de Londres [iii], des capsules d’huiles aromatiques, préparées à partir d‘alginates d’algues brunes, ont été développées et testées sur des patients atteint de la maladie de Parkinson.
Ces tests d’odorat sont de plus en plus utilisés dans le diagnostic de certaines pathologies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer), et les tests « scratch and sniff » classiques peuvent être difficiles à mettre en œuvre et manquer de reproductibilité. Les capsules développées par l’université londonienne se sont avérées plus faciles d’utilisation.
Ce type de tests pourrait aussi être considéré dans le cadre de l’épidémie de COVID-19.
La vue :
La rétinite pigmentaire est une pathologie dégénérative qui conduit à la dégradation des photorécepteurs de l’œil, et à une perte progressive de la vue. Elle peut notamment conduire à la dégradation de la rhodopsine, un pigment protéique de la rétine.
Or certaines microalgues produisent des protéines spécifiques, appelées channelrhodopsines, proches de cette rhodopsine.
Dans une expérimentation qui vient d’être publiée dans Nature Medicine [iv], une thérapie génique a permis de surexprimer une channelrhodopsine dans l’œil du patient. L’utilisation de lunettes de réalité virtuelle accentuant l’intensité lumineuse lui a alors permis de recouvrer partiellement la vue et de distinguer des objets.
Le goût :
La capacité des algues à contribuer à la saveur umami est bien connue. Mais les espèces à sélectionner, ou l’influence des procédés de conservation et de transformation le sont parfois moins.
Dans un contexte de développement constant de l’offre de plats végétariens et végétaliens, et de substitution des additifs, les algues peuvent pourtant être une solution de choix pour l’aromatisation et le renforcement des saveurs.
Une revue récente [v] publiée dans la revue International Journal of Gastronomy and Food Science fait le point sur le sujet, et revient sur les mécanismes de perception de cette cinquième saveur.
Le toucher :
Et le toucher, nous direz-vous ?
Nous n’avons pas identifié d’actualité récente sur ce thème, mais pourquoi ne pas profiter du déconfinement et des beaux jours pour partir sur l’estran à la découverte des algues ? Vous pourrez les toucher, et aussi les voir, les sentir, les goûter et même les écouter…
Bibliographie
[i] Choi Ji Eun, Ahn Jungmin and Il Joon Moon. Associations between Age-related hearing loss and dietary assessment using data from Korean national Health and Nutrition Examination Survey. Nutrients, 2021, 73, 1230.
https://doi.org/10.3390/nu13041230
[ii] Zatelli GA, Philippus AC, Falkenberg M, An overview of odoriferous marine seaweeds of the Dictyopteris genus: insights into their chemical diversity, biological potential and ecological roles, Revista Brasileira de Farmacognosia, 2018, Volume 28, Issue 2, Pages 243-260.
https://doi.org/10.1016/j.bjp.2018.01.005
[iii] Said Ismail A, Goodwin GR, Castrejon-Pita JR, Noyce AJ, Azevedo HS, A novel capsule-based smell test fabricated via coaxial dripping, J R Soc Interface, 2021.
http://doi.org/10.1098/rsif.2021.0039
[iv] Sahel JA, Boulanger-Scemama E, Pagot C et al. Partial recovery of visual function in a blind patient after optogenetic therapy. Nat Med, 2021.
https://doi.org/10.1038/s41591-021-01351-4
[v] Milinovic J, Mata P, Diniz M, Noronha JP, Umami taste in edible seaweeds: The current comprehension and perception, International Journal of Gastronomy and Food Science, 2021, 23, 100301.
https://doi.org/10.1016/j.ijgfs.2020.100301
Illustration adaptée de Alan Hermann-Pool – CC BY-SA 4.0